Défrichements

Refus d’un défrichement portant atteinte à une zone humide

Une autorisation de défrichement de 40 ha de forêt alluviale caractéristique identifiée en ZNIEFF et en ZICO, nécessitée pour l’ouverture d’une carrière alluviale, est annulée, faute pour l’étude d’impact de prévoir des me- sures de prévention des atteintes résultant du déboisement et de l’extraction et de mesures compensatoires suffisantes.

CAA Nancy, 28 févr. 2005, n° 02NC01301

Un défrichement conduisant à perturber le fonctionnement de l’écosystème aquatique de marais en raison du déversement de terres ravinées par les eaux de ruissellement a été refusé. En l’espèce, le terrain objet du défri- chement présentait une pente de 5 à 10 % en moyenne, atteignant jusqu’à 40 % en fond de parcelle. Le maintien d’un boisement a été considéré comme nécessaire pour fixer le sol sableux et éviter, ainsi, le ruissellement des eaux de surface entraînant, par voie de conséquence, l’érosion du sol.

CAA Versailles, 8 févr. 2007, n° 05VE01407

Est également refusé un défrichement de 98 ha de forêt comprenant une zone humide de 0,22 ha où émer- gent des sources alimentant un petit ruisseau et où prospère sur plusieurs dizaines de mètres, une ripisylve de quelques mètres de largeur, comportant notamment une aulnaie-frênaie à Laîche espacée. En effet, ce défriche- ment aurait un impact direct et irrémédiable sur ces milieux humides, par la destruction du couvert végétal et des sites des espèces protégées et par l’imperméabilisation des sols. Le caractère illégal du défrichement de la zone humide rend également illégale l’autorisation de défrichement tout entière.

TA Dijon, 13 mars 2014, n° 1201089

Doit être annulée, pour erreur manifeste d’appréciation, un arrêté de défrichement, dès lors que l’expertise diligentée et de l’étude d’impact réalisée démontrent l’existence d’une zone humide à laquelle les travaux de défrichement porteront une atteinte irréversible par la destruction du couvert végétal et des sites des espèces protégées qu’elle abrite et par l’imperméabilisation des sols. En outre, le pétitionnaire n’a pas, comme il lui in- combait de le faire, cherché à éviter la destruction de la zone humide ou à réduire l’impact du projet sur celle-ci avant de proposer des mesures destinées à compenser sa disparition.

CAA Lyon, 18 oct. 2016, n° 14LY01848

A été refusée une autorisation de défrichement concernant un terrain inclus dans un massif forestier de plu- sieurs hectares, traversé par un ru correspondant à une résurgence dans sa partie nord-ouest et qui abrite une mare d’eau permanente dans sa partie sud-ouest, le secteur dans son ensemble présentant toutes les caracté- ristiques des zones humides avec une végétation typique des ripisylves constituée, notamment, de cannes de Provence, de joncs, de prêles, de laîches, de cornouillers sanguins, de saules et de figuiers. Enfin, le procès-ver- bal précise, d’une part, que la présence permanente d’eau sert d’abreuvoir pour la faune locale, notamment les amphibiens, protégés au niveau national, dont la présence est attestée par le relevé d’empreintes de pattes sur le site, et, d’autre part, que les arbres morts présentant des cavités constituent des gîtes préférentiels pour bon nombre d’insectes et de chauve-souris.

CAA Marseille, 10 nov. 2021, n° 20MA00341

A la suite de la saisine du juge administratif, un préfet a décidé de retirer son arrêté de défrichement délivré dans le cadre d’un projet de parc éolien, car le défrichement portait atteinte à une source alimentant en eau des habitations et deux étangs ainsi qu’à une tourbière de transition jouxtant la parcelle défrichée.

CAA Bordeaux, 13 avr. 2021, n° 19BX01551

Voir aussi Faune et flore protégées et Evaluation environnementale.

Défrichements compatibles avec la préservation d’une zone humide

Un défrichement situé, à proportion de 85 % de la surface totale des parcelles, dans le périmètre de deux zones humides, peut être autorisé dès lors que ces zones humides ne recouvrent qu’une faible partie de chacune de ces zones, dont l’existence même n’est pas menacée et que la sauvegarde ou la reconstitution desdites zones humides peuvent être assurées par des mesures compensatoires ultérieures prises dans le cadre de la police de l’eau et le SDAGE. Affaire rendue dans le cadre du projet de Center-Parc de Roybon, abandonné depuis.

CAA Lyon, 24 avr. 2012, n° 11LY01962

Le juge valide une autorisation de défrichement de 955 m2, en estimant notamment que la seule circonstance que le boisement considéré est en déclivité et surplombe une clairière humide abritant une mare ne suffit pas à entacher d’erreur manifeste l’autorisation délivrée dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le défrichement porterait une atteinte particulière à ces espaces.

CAA Bordeaux, 4 févr. 2020, n° 18BX04342

Des défrichements réalisés pour les besoins de la construction d’un parc photovoltaïque, bien qu’ils puissent affecter les habitats d’hivernage de certains amphibiens, n’ont pas d’impact sur les sites de reproduction pé- renne que constituent les plans d’eau aux abords immédiats du projet. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier, même en prenant en considération les défrichements effectués aux abords du projet, que celui-ci aurait une incidence notable sur la faune et la flore, en particulier sur le « pélobate cultripède » dès lors notamment qu’une zone humide est maintenue.

CAA Marseille, 16 nov. 2021, n° 18MA04138

Est confirmée une autorisation de défrichement dans le cadre d’un projet de parc éolien, notamment parce que le rapport de l’inspecteur des installations classées et des expertises botaniques et pédologiques complé- mentaires, qui ont donné lieu à un complément à l’étude d’impact, ont confirmé l’absence de zone humide sur les terrains retenus pour l’implantation des éoliennes. Le juge estime donc que le projet ne peut porter atteinte à une zone humide, ni que l’inventaire des zones humides serait insuffisant. L’autorité environnementale a en outre relevé dans son avis que « les sondages pédologiques ont permis d’éviter les zones humides ».

CAA Nantes, 5 mars 2019, n° 17NT02793, 17NT02820

Est illégal le refus d’une autorisation de défrichement motivée par une atteinte à une zone humide, dès lors que si le site du défrichement comporte des zones humides, notamment caractérisées par la présence de molinie, habitat favorable au fadet des laîches, la pétitionnaire s’est engagée, dans le dossier de demande, à ne pas les inclure dans le périmètre de son projet.

CAA Bordeaux, 15 févr. 2019, n° 16BX02373

Absence de mesures compensatoires au défrichement d’une zone humide

Est illégale une autorisation de défrichement d’une forêt de 1,14 ha, eu égard, d’une part, aux potentialités de ce boisement situé au sein d’une ZNIEFF et en bordure du site classé de la vallée de l’Yerres et à la richesse écolo- gique du site (zone humide support de biodiversité, trame verte, habitats pour de nombreuses espèces d’oiseaux des lisières forestières, peuplements à forte biodiversité) et, d’autre part, à une urbanisation importante, le site étant ceinturé d’habitations individuelles et marqué par un grignotage progressif. Dans ce contexte, l’absence de toutes mesures compensatoires prévues dans l’arrêté d’autorisation de défrichement rend illégale celle-ci.

CAA Versailles, 23 juin 2016, n° 14VE02540

Voir aussi Mesures compensatoires

Insuffisances de boisements compensatoires au défrichement d’une zone humide

Le morcellement de boisements compensateurs au défrichement d’une forêt humide et la situation de certains de ces boisements à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu de la parcelle défrichée sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision. Les opérations de défrichement ayant débuté, le juge a considéré qu’il y avait urgence et a suspendu l’arrêté préfectoral d’autorisation.

TA Amiens, 17 mars 2005, n° 0500507 et 0500566

Le juge a censuré l’autorisation de défrichement au projet du barrage de Sivens. L’emprise du projet recouvre une zone humide de 18,81 ha presque exclusivement composées de boisements marécageux d’aulnes et de frênes, cet habitat faisant partie des zones humides majeures du département du point de vue de la biodiver- sité. La destruction des zones humides induite par ce défrichement concerne une superficie de 10,5 ha de bois marécageux et de 2,5 ha de prairies humides. Compte tenu de l’importance de cette zone, le juge estime que le préfet devait exiger une compensation équivalente en termes de qualité écologique et de quantité. Il rappelle en particulier les exigences applicables en matière de mesures compensatoires. Il cite l’avis de l’autorité envi- ronnementale qui estime qu’un coefficient de compensation de 2 était nécessaire (soit un boisement d’une surface de 22 ha), ce que l’arrêté ne prévoyait pas : l’arrêté prévoyait un boisement compensateur de 17,79 ha, en se basant sur un coefficient de 1,5 fixé au titre des dispositions du SDAGE. Les mesures de restauration et de reconstitution des boisements ne sont donc pas suffisantes pour garantir la compensation de la zone humide et le défrichement est donc annulé.

TA Toulouse, 30 juin 2016, n° 1404707

Condamnations pour défrichement illégal en zone humide

La Cour de cassation a confirmé une peine d’amende de 1 500 euros d’amende, pour un défrichement sans au- torisation d’une parcelle incluse dans une zone très densément boisée et qui comportait notamment des cépées d’aulnes, saules, ou frênes, dont certains sont déracinés et pourrissent dans le marais. Ces travaux avaient pour but la création d’un étang.

Cass. crim., 12 oct. 1999, n° 98-87.524

De même, est condamné à 2 000 euros d’amende, le propriétaire d’un ensemble de parcelles en nature d’étangs et de marais, qui a, sans démarche administrative préalable, fait réaliser par un entrepreneur des travaux de creusement portant sur plus d’un hectare et demi et de défrichement sur une superficie de près de trois hectares est condamné pour avoir détruit et altéré le milieu particulier à une espèce animale et à une espèce végétale protégées, et pour avoir, sans autorisation, exécuté un défrichement ainsi que des travaux affectant le milieu aquatique.

Cass. crim., 27 juin 2006, n° 05-84.090

Prescriptions applicables à l’autorisation de création d’une mare

L’autorisation de créer une mare ou un plan d’eau (bassin piscicole en l’espèce) peut légalement être subordon- née au respect de prescriptions concernant notamment l’alimentation du plan d’eau, la remise en état des fossés existant en pourtour de la propriété, la stabilité des berges, l’étanchéité des digues, et le contrôle des poissons introduits dans l’étang.

CE, 3 juin 1996, n° 108305

Trouble de voisinage causé par la création d’une mare

L’existence d’un trouble anormal de voisinage consécutif à la création d’une mare (infiltrations d’eau sur la pro- priété voisine) ne peut se déduire du seul non-respect de règles administratives et sanitaires - en l’espèce, l’ab- sence de demande d’autorisation de création de mare au maire et du non-respect d’une distance de 50 mètres exigée par le règlement sanitaire départemental. En l’espèce, la mare était bien aménagée et entretenue tandis que son fonds et ses parois étaient imperméabilisés. En outre les plaignants ne démontraient pas que la mare était la cause d’infiltrations d’eau sur leur fonds.

Cass., 3e civ., 25 mars 2014, n° 12-29.736

Sur la qualification d’un trouble de voisinage causé par des batraciens, voir Faune et flore protégées.

Page mise à jour le 30/08/2023
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