Propriété privée

Marais indivis

Les marais de la Grande Brière Mottière constituent une indivision remontant à des lettres patentes du Duc François II datées du 8 août 1461 et confirmé par un traité du 6 décembre 1776 : « La Brière restera irrévocable- ment et à jamais à tous les habitants et bientenants de toute la Vicomté de Donges et autres, en toute propriété, pour continuer à y couper bois et mottes à brûler, tant pour leur usage particulier que pour en exporter dans les villes voisines, et où bon leur semblera, ainsi que d’y mener paître et pâturer leur bête, d’y couper pareillement foin, fourrage, rots, litières, etc., sans, pour raison de ce, payer aucune redevance aux seigneurs de Donges ». Ce régime juridique de propriété, unique, en France, n’a pas été remis en cause par la Révolution et subsiste toujours. Le juge a estimé que le marais de Brière constitue un bien indivis appartenant collectivement aux habitants des communes sur lequel il s’étend (6 700 hectares répartis sur 21 communes).

CAA Nantes, 1er août 2002, nos 98NT02235 et 98NT02265

Les marais salants de Guérande sont composés d’oeillets (unités d’exploitation du paludier) autrefois incorpo- rés au domaine public maritime et qui constituent désormais une multitude de propriétés privées (400 pro- priétés réparties sur 2000 hectares). Cependant, les bassins, canaux et talus sont soumis à une indivision forcée ainsi que l’a précisé le juge. Ce régime s’applique ainsi à toutes les dépendances telles que les vasières et cobiers nécessaires à la bonne marche de l’exploitation.

CA Rennes, 27 oct. 1998, n° 96/08698

Mares et étangs communs

Une mare située dans une cour qui a été attribuée, lors d’un remembrement, aux habitants d’un village, est commune à ces habitants dès lors qu’elle ne figure dans aucun titre de propriété, que les titres mentionnent seulement l’existence de droits aux cours et mares communes et qu’enfin, il n’est pas établi qu’il y ait eu réunion des fonds servant et dominant en une seule main.

Cass. 3e civ., 26 oct. 1988, n° 86-19.590

En sens inverse, un étang situé sur le fonds dominant, dont les eaux se déversent via un canal situé sur un fonds servant n’a pas été considéré comme un bien commun. Par suite de la reconnaissance d’un droit d’eau par moi- tié entre les deux propriétaires, la jurisprudence écarte l’affectation à usage commun de tous les propriétaires d’une partie du déversoir à sa sortie du barrage et décide que l’obligation d’entretien des fossés et rigoles incom- bait exclusivement aux propriétaires du fonds dominant.

Cass., 3e civ., 6 nov. 1991, n° 90-11.855

De même, la jurisprudence refuse de considérer une mare « commune » à deux propriétés, dès lors que l’acte de propriété dont se réclamaient les propriétaires contestataires ne mentionnait pas l’acquisition d’une fosse ou d’une mare mais d’un jardin. A l’inverse, cette mare était décrite par un acte de donation-partage du 7 novembre 1946 produit par les autres propriétaires qui se référait à des actes des 27 septembre 1887 et 17 novembre 1892 portant sur un domaine plus vaste intégrant la mare. En outre, le qualificatif de mare commune, figurant dans l’acte du 30 avril 1936, n’était pas repris par celui du 7 novembre 1946 ni par les actes ultérieurs. Enfin, la ma- trice cadastrale désignant la parcelle en cause comme une fosse ne constituait pas un titre de propriété.

Cass. 3e civ., 6 juill. 2017, n° 16-11.824

Servitude d’écoulement de l’eau

Aucune indemnité ne peut être prononcée pour un écoulement d’eau d’une propriété supérieure à une pro- priété inférieure, lorsque des travaux de drainage effectués sur le fonds d’un propriétaire dont les eaux de pluie ruissellent en surface mais ne s’écoulent pas sur le fonds servant, du fait d’un mur séparatif faisant obstacle au déversement latéral des eaux, n’entraînent pas d’aggravation de la servitude naturelle d’écoulement, mais au contraire l’allègent.

Cass. 3e civ., 29 nov. 2000, n° 98-13.313

A l’inverse, un étang, dont les eaux sont maintenues artificiellement à un niveau élevé, grâce à un barrage de fortune, et qui provoque l’inondation du fonds inférieur constitue un trouble anormal pour le propriétaire de ce fonds qui doit être indemnisé de son préjudice.

Cass. 3e civ., 17 déc. 2002, n° 01-14.179

Idem d’un étang dont les débordements dus à une hauteur d’eau excessive provoquent un détrempage des terrains inférieurs durant plusieurs mois de l’année et interdisent à son propriétaire toute mise en culture.

Cass. 3e civ., 18 mai 2004, n° 03-11.345

L’absence d’entretien d’un canal et ses débordements sur des parcelles situées dans une zone marécageuse, en dépit de l’urbanisation croissante du secteur litigieux, est constitutive d’un trouble anormal de voisinage.

Cass. 3e civ., 26 oct. 2017, n° 16-12.234

Servitude de puisage dans une mare

La Cour de cassation a annulé l’arrêt d’une cour d’appel qui avait considéré que le comblement illégal d’une mare avait mis fin à une servitude conventionnelle de puisage (C. civ., art. 703) et que les travaux de nivelle- ment par la commune étaient sans incidence sur le comblement antérieurement réalisé. En effet, si les servi- tudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu’on ne peut plus en user, le non-respect des conditions d’exercice d’une servitude, par la réalisation, par le propriétaire du fonds ou par un tiers, d’un ouvrageou d’un aménagement illicite ne peut entraîner l’extinction de celle-ci.

Cass. 3e civ., 22 juin 2022, n° 21-17.078

Page mise à jour le 30/08/2023
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