Réparation des préjudices

Il n’existe pas à ce jour de jurisprudences tranchant des contentieux d’évaluation des dommages. On rappellera que le dommage est un fait objectif - par exemple, mortalité piscicole, concentration anormale de polluants dans l’eau - qui doit présenter certains caractères. Ainsi, seul un dommage certain, direct et personnel peut conduire à la reconnaissance d’un préjudice ouvrant droit à réparation. Le préjudice est ainsi la conséquence du dommage subi (destruction d’une zone humide, curage d’un fossé). Il y a assez souvent une mauvaise utilisation par l’Etat et ses établissements ainsi que par les ONG des qualifications de « dommage » et de « préjudice ».

La réparation des préjudices par le juge judiciaire - qui concerne la quasi totalité du contentieux, peut recouvrer deux formes :

-    le préjudice environnemental est celui causé à l’homme par l’intermédiaire d’atteintes à l’environnement. Un tel préjudice résultera d’une pollution de l’eau, du sol ou de l’air ou de toute autre nuisance affectant les activités humaines. Cette première définition retient ainsi une approche anthropocentriste du préju- dice qui n’existe qu’en tant qu’il constitue le vecteur d’un dommage personnel et matériel ou moral causé à l’homme. Ce type de préjudice est, de longue date, pris en compte par le droit de la responsabilité civile (C. civ., art. 1240 et 1242, anc. art. 1382 et 1384). A ce titre, peuvent être réparés les pertes de revenus subies par des agriculteurs ou de pêcheurs, le préjudice d’agrément, l’atteinte à l’image d’une personne morale (notamment les associations de protection de la nature et les collectivités territoriales), la perte de valeur d’une propriété, la perte de jouissance d’un bien ou encore le financement de mesures de remise en état, etc. ;

-    le préjudice écologique est celui causé directement à la faune et la flore ou les milieux. On parle aussi de préjudice écologique « pur ». Il s’agit de prendre en compte le dommage causé au milieu lui-même, indépendamment de toute répercussion sur les activités humaines. La Cour de cassation dans le cadre de l’affaire du naufrage de l’Erika, l’a pour sa part tout simplement défini comme étant « l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement » (Cass. crim., 25 sept. 2012, n° 10-82.938).

La réparation de ces deux types de préjudice sera finalement reconnue par la loi Biodiversité de 2016 qui les définit comme « consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosys- tèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » (C. civ., art. 1247). La réparation des préjudices s’effectue par priorité en nature et, à défaut, par le versement de dommages et intérêts, affectés à la réparation de l’environnement, au demandeur ou, si ce dernier ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l’État (C. civ., art. 1249). A noter que les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, pour éviter son aggravation ou pour en réduire les conséquences constituent un préjudice réparable (C. civ., art. 1251).

Le juge peut dans une même décision accorder une réparation pour ces deux types de préjudice. Les ma- gistrats utilisent quelquefois les qualifications de préjudices «environnemental» ou «écologique» à mau- vais escient, sans doute en raison du caractère récent de la réglementation et de leur appropriation tardive de ces notions.

Par ailleurs, deux affaires font utilisation de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) pour les délits relevant du code de l’environnement (C. proc. pén., art. 41-1-2) . Cette convention, prévue par une loi du 24 décembre 2020, permet d’imposer à la personne morale une ou plusieurs des obligations suivantes :

-    versement d’une amende d’intérêt public au Trésor public, dont le montant est fixé de manière propor- tionnée aux avantages tirés des manquements constatés, pouvant aller jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires annuel de la personne morale signataire ;

-    mise en oeuvre d'un programme de mise en conformité d’une durée maximale de trois ans, sous le contrôle, selon les cas, de l’Agence Française Anticorruption ou des services compétents du ministère char- gé de l’environnement (OFB) ;

-    la réparation du préjudice environnemental ou du préjudice écologique.

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Page mise à jour le 30/08/2023
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