Evaluation de l'état de conservation de la mangrove mahoraise selon la méthodologie de la Liste rouge des écosystèmes de l'UICN

En 2016, l’UICN France a donné lieu à l’évaluation de l’état de conservation des différentes formations de palétuviers qui composent la mangrove mahoraise. Les 3 types de formations concernés par cette évaluation sont les suivants :

- Mangroves externes ; fronts pionniers à Sonneratia alba 

- Mangroves centrales et internes ; mangroves mésohalines et mangroves estuariennes

- Arrières-mangroves ; tannes, prés-salés, mangroves et forêts supralittorales

La méthodologie d’évaluation repose sur l’analyse de 5 critères censés rendre de compte de la pression exercée sur l’écosystème : (1) réduction de la distribution spatiale, (2) distribution spatiale restreinte, (3) dégradation environnementale, (4) perturbation des processus et des interactions biotiques, (5) analyse quantitative (modélisation) estimant la probabilité d’effondrement.

L’analyse de l’évolution de ses critères, à des échelles spatio-temporelles plus ou moins grandes, permet d’attribuer une note de conservation.

Les critères 1, 3 et 4 sont appréhendés à des échelles de temps à plus ou moins long terme. Ainsi, pour chacun d’eux, 3 sous-critères sont à définir. Le premier concerne l’évolution au cours des 50 dernières années. Le deuxième concerne l’évolution calculée ou estimée au cours des 50 prochaines années ou bien sur une période de 50 ans incluant le présent et l’avenir. Enfin, le dernier sous-critère prend en compte l’évolution historique récente, depuis le milieu du XVIIIème siècle (1750) ou date proche selon les données. Seul le critère 2 comprend une analyse de l’évolution par rapport à l’emprise spatiale des formations identifiées. Enfin, le dernier critère repose sur un modèle numérique capable d’estimer la probabilité d’effondrement des écosystèmes de mangroves. On atteste de l’effondrement lorsque la composition, la structure et le fonctionnement de l’écosystème, dans toutes ses occurrences, sont modifiées au-delà des variations naturelles, temporelles et spatiales. Les différentes espèces ou communautés d’espèces peuvent toujours être présentes une fois l’écosystème effondré mais leur abondance, leur organisation ou leur fonction aura changé.

Ainsi, au regard de la vitesse de la dégradation d’un critère et/ou de son ancienneté, les catégories Préoccupation Mineure (LC), Quasi-menacée (NT), Vulnérable (VU), En Danger (EN), En Danger Critique d’Extinction (CR) sont définies pour chaque sous-critères.

Une note globale, calculée à partir de l’ensemble des résultats, est ensuite définie pour rendre compte de l’état de conservation de la formation concernée.

Présentation des résultats de l’évaluation

        I) Mangroves externes : fronts pionniers à Sonneratia alba

     Les mangroves externes de Mayotte sont classées Vulnérable (VU). Les raisons de ce classement reposent en grande partie  sur l’analyse du critère lié aux dégradations environnementales. En effet, si la réduction des superficies des fronts pionniers à Sonneratia alba a été constatée, celles-ci restent à un seuil jugé peu préoccupant. En revanche, ce sont surtout les facteurs abiotiques dû au changement climatique qui menacent l’intégrité des mangroves externes en favorisant l’érosion : la modification des paramètres hydrodynamiques du lagon (accroissement de la hauteur des vagues, intensification de la houle) et des paramètres morphosédimentaires (changement au niveau de la dynamique érosive terrestre) risquent de porter préjudices à ces formations. Aucun modèle n’est actuellement en mesure de pouvoir fournir une étude prospective vis-à-vis de l’effondrement des formations externes de fronts pionniers à Sonneratia alba. Il en est de même pour tous les autres types de formation.

        II) Mangroves centrales et internes : mangroves mésohalines et mangroves estuariennes

    Les mangroves centrales et internes de Mayotte sont évaluées Préoccupation Mineure (LC) selon la méthodologie de la Liste rouge des écosystèmes de l’UICN. Aucuns éléments n’a permis de retenir une note supérieure à ce statut, en dehors des sous-critères dont les données sont insuffisantes pour permettre une évaluation. En ce sens, l’absence de données constitue probablement un biais pour permettre une véritable évaluation. L’essentiel des perturbations de ces milieux sont jugées hors d’atteinte des dégradations directes : les perturbations correspondent davantage aux effluents ménagers (rejets d’eaux usées) et à l’actuelle érosion au niveau des fronts lagonaires qui pourrait favoriser à l’avenir le recul des mangroves centrales et internes. Comme ces constations résultent de phénomènes relativement récents et non mesurés, on peut se demander si cette évaluation ne sous-estiment pas leurs menaces.

        III) Les arrières mangroves : Tannes, prés-salés, mangroves et forêts supralittorales

     Les arrière mangroves de Mayotte ont été évaluées En Danger Critique (CR) selon cette même méthodologie. Il s’agit par là du milieu le plus menacé de la mangrove mahoraise. Les données concernant l’analyse de l’évolution spatiale sont insuffisantes en raison d’une méconnaissance de ces milieux. Le critère déterminant dans le choix de cette note correspond aux perturbations des processus et des interactions biotiques (critère 4). Ainsi, les principales perturbations d’ordre biotique correspondent aux activités agricoles : élevage, agriculture, défrichement. De nombreuses espèces faunistiques et floristiques sont classées Vulnérable (VU). Par rapport au critère des dégradations environnementales (critère 3), les remblais et les aménagements qui induisent une fragmentation du milieu sont les menaces les plus soutenues. Ainsi, 70 % de la superficie des arrières-mangroves, au cours des 50 dernières années,  sont concernés par des destructions partielles ou totales soit 1 site sur 2 à l’échelle du territoire.

Source de l’article

UICN France, 2016. La Liste rouge des écosystèmes en France - Chapitre Mangroves de Mayotte, Paris, France, 72p.

En savoir plus

- Pour connaître les détails de l’évaluation de l’état de conservation de la mangrove mahoraise, vous pouvez consulter et télécharger le document produit par l’UICN France.

Page mise à jour le 03/11/2017
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