Coûts cachés de la réduction des zones humides : désordres hydrauliques sur le bassin de la Charente
Le fleuve Charente a connu une très forte modification de l’usage de ses sols, avec l’artificialisation et l’urbanisation, et surtout avec la régression des prairies au profit du maïs ou d’autres occupations du sol. On a pu comptabiliser, sur la base des recensements généraux agricoles, 67 000 ha de surfaces modifiées entre 1979 et 2000. Soit, par exemple, sur le département Charente, environ 15 % d’imperméabilisation, et 10 % surface devenus « ruisselantes ». En effet, cette évolution s’est accompagnée, sinon traduite par, un ruissellement beaucoup rapide de l’eau sur les sols. Ceux-ci retiennent moins les précipitations que ne le faisaient les prairies.
Les services rendus « perdus » du fait de ces modifications et les conséquences des désordres hydrauliques qui leur sont associés sont les suivants:
- augmentation de la fréquence et de l’extension des inondations de zones urbaines, associée à la perte de capacités d’expansion sur les « zones tampons », à l’accélération des ruissellements, à l’artificialisation des cours d’eau. Pour les villes de Cognac et de Saintes, ces « services perdus » représenteraient respectivement 10 M€ et 4 M€ sur 18 ans : avec les couverts végétaux d’antan, le montant des dégâts liés aux 3 crues subies en 18 ans serait atténué de cet ordre de grandeur.
- augmentation du traitement de l’eau potable, associée à la perte des capacités de protection de la qualité de l’eau, en nitrates, et à la substitution par des occupations du sol utilisatrices de pesticides (agriculture et urbanisation). Cette augmentation est estimée à environ 1 à 2 M€/an pour le bassin du fleuve.
- augmentation des solutions palliatives aux étiages, associée à la perte des capacités de soutien des étiages. Cette perte de capacité, attribuée en partie à la perte des zones humides, représente 34 M€ de dépenses compensatrices en investissements (barrages).
Il n’est bien entendu pas question de faire de cette évaluation un plaidoyer pour un retour à la situation qui prévalait trente ans auparavant sur le bassin. Il reste, notamment, à rapprocher ces coûts des gains économiques apportés par la mise en culture du bassin versant, ce qui n’a pas été possible ici. En revanche, ces quelques chiffres peuvent apporter des matériaux de réflexion quant au potentiel de bénéfices que la collectivité pourrait retirer en restaurant les zones humides, là où c'est possible et judicieux.
Source : synthèse "évaluation économique des zones humides", Agence Adour-Garonne, ACTeon, 2009