L’occupation du sol dans les sites Ramsar de métropole : rétrospective 1975-2005
En France, les milieux humides naturels ont été transformés par l’homme dès l’Antiquité pour leur exploitation, notamment agricole. Avec l’accroissement démographique et le développement technologique, ce processus s’est accéléré et les milieux humides ont perdu au moins 50 % de leur superficie au cours du 20ème siècle.
La désignation en sites Ramsar est une reconnaissance internationale, accordée aux milieux humides les plus importants du monde. Sur les 44 sites désignés par la France, 33 se trouvent en métropole, dont 9 hébergent des milieux lagunaires.
Méthodologie et réserves
Dans le cadre de l’Observatoire National des Milieux Humides, l’évolution de l’occupation du sol dans les 32 sites métropolitains désignés avant 2015 a été étudiée à partir d’images satellites. Utilisant la méthodologie du projet GlobWetland-II, elle a permis d’établir des cartes d’occupation du sol et de mesurer l’évolution entre 1975 et 2005 des zones humides, tant naturelles qu’artificielles. Optimisée pour une grande échelle, la méthode permet de mettre en évidence des tendances globales sur l'ensemble des sites, aussi les cartes – purement illustratives - ne doivent-elles pas être interprétées trop finement, à l’échelle des sites. Les sites Ramsar étant probablement mieux protégés que la moyenne, il convient aussi d’éviter toute généralisation des résultats chiffrés à l’ensemble des milieux humides de France.
Zoom sur les lagunes méditerranéennes
Parmi les 32 sites étudiés, 9 sites Ramsar hébergent des milieux lagunaires : Etangs de la Narbonnaise, Etangs palavasiens, Petite Camargue (qui regroupe l’Etang de l’Or et la Camargue gardoise), Grande Camargue, Salins d'Hyères, Etangs de Villepey, Etang de Biguglia, Etang d'Urbino, Etang de Palo.
Ces milieux lagunaires occupent une large part des milieux naturels Ramsar français. En effet, en 2005, les lagunes seules couvraient 423 km² au sein des 32 sites Ramsar, soit 17% de la surface en milieux humides naturels. Si l’on rajoute les marais périphériques des lagunes, la superficie avoisine 1600 km² soit près des deux tiers des milieux humides naturels au sein des 32 sites Ramsar.
Tous les 9 sites comportant des lagunes méditerranéennes ont plus de la moitié de leur surface en milieux humides. Globalement, ces sites sont composés à 71 % de milieux humides – soit nettement plus que la moyenne des 32 sites (39%). Des délimitations de sites Ramsar suivant au plus près la limite des milieux humides en est probablement responsable.
Environ la moitié de la surface des 32 sites Ramsar se situe au sein d’un Parc naturel régional ; la même proportion se trouve dans un périmètre Natura 2000. Une part plus faible (1 à 5 %) est protégée au titre des acquisitions du Conservatoire du Littoral ou des réserves naturelles nationales, corses ou régionales. Ces moyennes cachent une grande variabilité entre sites. Dans ce panorama, les 9 sites à lagunes méditerranéennes apparaissent comme bien mieux lotis :
Une perte de 6% des habitats humides naturels en 30 ans
Globalement, les 32 sites ont perdu 1,3 % de leurs milieux humides totaux (naturels et artificiels confondus) soit environ 4000 ha entre 1975 et 2005 (1,4% pour les 9 sites lagunaires). Sur les 32, la perte maximale de milieux humides concerne le site Ramsar « Petite Camargue », à hauteur de 1330 ha. Les pertes en milieux humides ont été plus fortes autour des sites Ramsar sur la bande périphérique de 1 km de large qu’en leur sein même.
Globalement, en 30 ans, dans les 32 sites, les milieux humides naturels ont régressé de 6 % soit environ 16 500 ha (-7% dans les 9 sites lagunaires), et les milieux humides artificiels[1] progressé de 38 % soit environ 12 400 ha (+28% dans les 9 sites lagunaires). Les milieux naturels terrestres aussi ont régressé.
Les milieux humides naturels qui ont le plus régressé entre 1975 et 2005 sont les marais et lagunes (regroupés par convenance méthodologique), forêts inondables et prairies humides. A l’inverse, lacs et étangs artificiels ont fortement progressé.
Ces variations globales à l’échelle des 32 sites sont en particulier dues à 4 des plus grands sites. Parmi eux, Grande Camargue et Petite Camargue ont perdu respectivement environ 3800 ha et 2200 ha de milieux humides naturels. Elles font aussi partie de ceux qui ont gagné le plus de surface en milieux humides artificiels, les rizières ayant pour une bonne part été installées sur d’anciens milieux humides naturels.
Les marais et lagunes des sites Ramsar ont perdu 4% de leur superficie sur la période, soit environ 6800 ha (166 à 159 km²), et les salins 5% de leur superficie soit environ 450 ha (de 8,8 à 8,4 km²).
L’agriculture chasse la nature, l’urbanisation chasse l’agriculture
Les milieux urbanisés ont fortement progressé entre 1975 et 2005 (+39 %), tant dans les sites Ramsar que dans leurs proches alentours. En revanche l’agriculture[2] a stagné avec une très légère progression tout de même dans les sites : +2 % à +4 % dans les sites, -2 % à -3 % dans les alentours.
Les deux figures ci-après montrent les évolutions dans deux de ces sites : Etangs palavasiens (34) et Grande Camargue (13).
Fig 1 : Forte progression de l’urbanisation autour d’un site Ramsar – essentiellement au détriment de terres agricoles, et un peu aux dépends de milieux naturels, humides ou pas. |
Fig 2 : Progression des rizières en Grande Camargue entre 1975 et 2005. |
Globalement, les sites Ramsar du littoral méditerranéen sont plus touchés par la progression des cultures et des milieux urbains que ceux de l’intérieur des terres et des côtes Atlantique-Manche-Mer du Nord. La forte progression des milieux urbains au sein des sites Ramsar (+6200 ha) s’est faite à près de 60 % au détriment de milieux agricoles.
Une perte des milieux humides qui se poursuit
Les conversions de milieux humides naturels en terres agricoles et milieux urbains ou en milieux humides artificiels se poursuivent, bien qu’elles semblent avoir ralenti entre les périodes 1975-1990 et 1990-2005. Un renforcement de leur protection reste donc bien toujours d’actualité.
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Contacts
[1] Barrages-réservoirs, retenues, salins, étangs de pisciculture, gravières, rizières
[2] Terme désignant ici toutes les terres agricoles à l’exception des prairies humides (incluses dans la catégorie Zones humides naturelles), et regroupant donc prairies sèches, terres arables, vergers… (ces types n’ont pas été analysés séparément)