La valorisation systématique des espèces invasives : une fausse bonne idée ?
Valoriser une espèce invasive d’un point de vue socio-économique constituerait un levier intéressant dans la régulation de sa population. Quelles pistes existent concrètement aujourd’hui ? Y-a-t-il des écueils à éviter ? À travers le cas de la jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes), Doriane Blottière du comité français de l’UICN aborde dans son article la question de la valorisation systématique de ces « nouvelles » ressources potentielles.
« Transformer le problème en profit »
Nuisance et/ou ressource ? Telle est la question que pose Doriane Blottiere à propos de la jacinthe d’eau. En réalité, cette question pourrait se poser à l’ensemble des espèces invasives. Originaire d’Amérique du sud, la jacinthe d’eau a été introduite de manière volontaire dans de nombreux pays pour ses qualités ornementales. Rapidement, elle devient invasive et colonise les plans d’eau. Pouvant avoir des effets néfastes pour l’équilibre des écosystèmes aquatiques, elle a fait l’objet de différentes tentatives d’éradication aussi bien physiques, chimiques que biologiques.
Mais face à une espèce pouvant atteindre les 150 tonnes de matière fraîche pour un hectare, des objectifs de valorisation ont vu le jour pour tenter de transformer cette nuisance en ressource, « le problème en profit ». Ainsi, la jacinthe d’eau a été recyclée avec succès dans :
- La vannerie et la fabrication d'objets divers.
- L'utilisation des fibres pour fabriquer des éponges anti-polluantes : les fibres de la jacinthe d’eau peuvent absorber 50 fois leur poids lorsqu’il s’agit de pétrole brut.
- Production de biocarburant (biogaz et bioéthanol).
- Fabrication de compost, d’ensilage pour le bétail et de complément alimentaire pour les humains.
- Fabrication de géotextiles.
Une espèce cesse-t-elle d’être invasive quand l’humain y voit un intérêt ?
Les pistes de valorisation sont intéressantes dans le sens où elles peuvent être complémentaires d’autres actions de gestion des « déchets » issus du prélèvement d’espèces invasives. Elles constituent également des ressources alternatives lorsque des espèces indigènes subissent une trop forte exploitation.
À Madagascar par exemple, au lac Aloatra, l’utilisation de la jacinthe d’eau participe à diminuer la pression d’exploitation exercée sur le papyrus (Cyperus madagascariensis). Le changement de perceptions et de représentation des espèces exotiques envahissantes témoignent dans certain cas d’un changement de paradigme où l’espèce invasive n’est plus tellement un objet de lutte que de gestion, dans le sens d’une ressource qu’il faut transformer.
Mais l’auteure de l’article insiste également sur des aspects moins positifs d’une telle démarche de valorisation. L’essor de filières industrielles reposant sur l’utilisation de ressources pouvant disparaître aussi vite qu’elles sont apparues pourrait induire, selon elle, un développement économique « oublieux de ses enjeux sociaux locaux ». Et elle termine sur l’idée qu’une espèce invasive devenant soudainement intéressante à la sphère socio-économique n’en est pas moins toujours préjudiciable aux fonctionnalités de l’écosystème et des services qu’ils nous procurent autrement.
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Consulter l'article original sur le site internet du Groupe de travail IBMA