Vers une meilleure estimation du stockage du carbone des mangroves ?

Des chercheurs de l’Université de Louisiane ont tâché de réévaluer plus précisément l’impact des différents types de mangroves dans la séquestration du carbone dans le sol. D’après leur méthodologie, ils estiment que les études précédentes ont sous-estimés de 50 % le potentiel « puits de carbone » des mangroves de certaines régions. Au contraire, les niveaux de stockage du carbone ont été surestimés de 86 % dans d’autres territoires.

Le concept de puits de carbone renvoie à la séquestration du dioxyde de carbone – un gaz à effet de serre (GES) – hors de l’atmosphère, de manière plus ou moins longue. Cette séquestration s’effectue par des organismes vivants (la biomasse) ou les sols. C’est une composante du cycle du carbone.

L’océan global joue un rôle essentiel dans ce cycle. Le terme anglo-saxon « blue carbon » (carbone bleu) renvoie d’ailleurs au stockage de dioxyde de carbone par les écosystèmes marins et côtiers. Ainsi, la biomasse phytoplanctonique contribue à absorber du CO2 atmosphérique tandis que certains organismes marins (zooplancton, coquillages, etc.) le consomment pour fabriquer leur coquille ou le précipitent dans les fonds marins via leur cadavre quand ils meurent.

Plusieurs études scientifiques considèrent la mangrove comme un « puits de carbone bleu » indispensable dans l’équilibre des cycles géochimiques et de la balance climatique (HOWARD et al. 2017). Leurs estimations varient de 31 à 35 millions de Mg par an, ce qui montre que c’est un phénomène complexe à appréhender et de nombreux paramètres variables rentrent en considération. Plus que la biomasse sylvicole, ce sont surtout les sédiments qui jouent un rôle de puits.

Des paramètres pas encore considérés dans l’évaluation de la séquestration du carbone

Des chercheurs de l’Université de Louisiane [1] ont tâché de réévaluer plus précisément l’impact des différents types de mangroves dans la séquestration du carbone dans le sol. D’après leur méthodologie, ils estiment que les études précédentes ont sous-estimés de 50 % le potentiel « puits de carbone » des mangroves de certaines régions. Au contraire, les niveaux de stockage du carbone ont été surestimés de 86 % dans d’autres territoires.

Leurs travaux de recherche répondent à une volonté de fournir aux pays de meilleurs outils pour évaluer le stockage de leur carbone bleu et sa valorisation dans le marché mondial du carbone.

Selon Robert Twilley, co-auteur de l’étude, leur modèle plus robuste serait plus à même d’évaluer les variations de carbone stocké en fonction de paramètres météorologiques, géologiques voire même biotiques. Les mangroves, marais maritimes et herbiers sont connectés aux eaux peu profondes de l’océan, partie susceptible d’absorber plus de CO2 qu’elle n’en émet. Les mangroves, plus que les forêts tropicales humides, stockeraient davantage de carbone dans leur sol et pour une plus longue durée, d’où leur rôle important pour lutter contre le changement climatique.

Ce sont les mangroves néotropicales qui ont été le terrain de jeu des scientifiques, estimant que l’Amérique centrale et l’Amérique du sud concentrent environ 1 tiers des mangroves globales. Ce qui en fait un hot-spot mondial de carbone bleu.

Les auteurs ont analysé de nombreux paramètres qui expliquent la variation de carbone stocké d’un pays à un autre. Les marées, par exemple, participent au brassage des masses d’eaux et de nutriments susceptibles de relâcher du carbone dans l’atmosphère. Ils estiment donc que les mangroves soumises à de faibles marées sont davantage propices à stocker du carbone dans leurs sédiments. Pour eux, ce genre de processus n’a jamais été considéré jusqu’à présent dans l’évaluation de la séquestration du carbone.

Sources

[1] ANDRÉ, S., Rovai et al., 2018. « Global controls on carbon storage in mangrove soils ». Nature Climate Change. Vol. 8, n°6. doi: 10.1038/s41558-018-0162-5

HOWARD, Jennifer et al., 2017. « Clarifying the role of coastal and marine systems in climate mitigation ». Ecological Society of America. Vol. 15, n°1. 42-50 pp. doi:10.1002/fee.1451

Page mise à jour le 11/07/2018
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